mardi 14 mai 2013

Le bateau de la destinée 2/2



Le lendemain, de bon matin, le commandant « Babahoum » rendra visite au prisonnier toujours attaché, pour une discussion ou une sorte d’interrogatoire. Sans attendre, le visage rouge de rage, le commandant lui hurla au visage :

- Toi la racaille, tu n’as pas honte de comploter derrière notre dos ? Tu n’as pas honte de vouloir t’attaquer au bateau qui t’a vu grandir et qui t’a tout donné ? Pour qui travailles-tu ? Traitre !

 Surmontant sa surprise, Amazigh répondra :

 - Je ne fais qu’exprimer mon amertume, que crier mon refus absolu de cette tragédie que vous nous faite vivre chaque jour que le bon Dieu fait. Y’en a marre de cette existence destinée à revivre le passé, où nos jours sont partagés entre manger, flâner et dormir. « Barakate » de cette vie où notre voix n’est jamais entendue.

Le commandant interrompit alors brutalement le jeune homme en lui défonçant le visage avec la crosse de son flingue.

- Tais-toi insolant. Tu es qui pour oser me parler sur ce ton ? Tu n’es qu’une merde qui ne vaut rien ! Tu es qui pour demander à l’un de ceux qui ont construit cet extraordinaire navire des droits ou encore que ta voix soit entendue ? Soit fier de ton histoire et la ferme ! On t’a instruit, on te nourrit, on veille sur ta sécurité et tu oses encore demander des droits ? Quelle insolence ! C’est un précédent grave et tu le payeras cher !

Amazigh tomba par terre sous la violence de l’agression mais lutta contre l’évanouissement. Il attendait cette confrontation depuis longtemps, et il s’était juré que même si cela allait être sa dernière conversation, il en profitera pour exprimer le fond de sa pensée, avec le plus profond de ses tripes. Reprenant alors son courage, il se lança.

- Tu es une figure historique et je te respectais pour ça. Tu es plus âgé que moi et je te respectais pour ça aussi, mais nous prendre pour des tubes digestives, nous prendre pour des bons à rien et des mineurs à vie qui n’ont aucun droit sur votre personne, ça je ne le tolèrerai jamais ! Jusqu’à quand doit-on accepter votre tyrannie sous prétexte que le bateau vous appartient ? Non « Les îles » est à nous tous, sa construction était pour le bien de tous les Iliens. Que faites-vous de nos aspirations ? Que faites vous pour notre rêve d’atteindre la rive du progrès ? L’île de la liberté ? Ou encore le continent de l’espérance ? On est là et on demande que notre voix soit entendue, on existe et on demande l’alternance. On vous respecte mais c’est le moment de nous transmettre le flambeau, pour le bien de tous, notre heure viendra tôt ou tard.

- Que des sottises, que des âneries ce que tu aboies insolent ! cria le commandant. Sans nous vous n’êtes rien. Sans ma génération vous vous ferez manger comme des agneaux. Matelots, demain à l’aube ce démon doit être exécuté.

 Une sentence lourde et sans appel. Un jugement équitable pour un crime même imaginaire n’est même pas permis dans ces cas-là. On ne veut même plus s’offrir les mises en scènes de Justice sur ce navire. Seulement donner l’exemple pour que personne ne pense à défier l’autorité, à nouveau. L’exécution du jeune Amazigh est fixée à 06 h et il est déjà 01h du matin. Plus que 05 heures à vivre pour notre jeune héros.

 Pendant ces dernières heures, le cerveau du condamné à mort bouillonne sans arrêt. A-t-il fait le bon choix de défendre ses principes et ses convictions jusqu’au bout ? Les passagers du navire méritent-ils ses sacrifices ? L’histoire retiendra-t-elle son courage ? Ou encore une fois l’histoire sera-t-elle écrite par les gagnants ? Le voilà triste à cause de cette fin si rapide, mais il est content d’avoir affronté son bourreau ! Malgré sa fin qui s’approche à grand galop, il se sent léger et il se permet même de s’endormir un peu.

 Le repos des braves.

Un sommeil léger, animé par le grand rêve : celui d’un avenir meilleur où le bateau sera gouverné par la nouvelle génération. Une génération totalement dévouée à son pays. Un pays où chaque personne occupera le poste qui lui revient de droit car elle est compétente et non pistonnée. Un avenir où la justice serait indépendante et où chaque passager aura autant de droits qu’il a de devoirs… mais à cette instant même la porte de la cabine où Amazigh est fait prisonnier s’ouvre. L’heure de l’exécution est-elle arrivée ? Sa fin est-elle imminente ?

 Amazigh se réveilla alors totalement, son cœur battant la chamade, mais oh combien fut grande sa surprise et sa joie quand il vit le visage radieux de sa bien-aimée Houria ! Que fait-elle là ? Comment a-t-elle accédé à cette cabine ? Est-ce pour une dernière visite d’adieu?

 Houria en personne qui vient le voir ! Toute seule en plus, sans aucun garde ! Une vraie énigme de la dernière heure.

 Houria, d’habitude si réservée, se jeta alors entre les bras de son unique amour, le courageux Amazigh, la seule personne qui a défié le commandant qui n’est d’autre que son père ! Le fameux Babahoum. Oui elle est là pour le délivrer, prête à défier le monde entier pour lui y compris son propre père. Elle est prête à quitter sa famille, le navire qui l’a vue grandir ainsi que ses amis, pour une seule personne. Beauté profonde de l’amour unique.

De l’autre côté du navire, Wael le fidèle ami d’Amazigh les attend dans une embarcation de sauvetage. En 5 minutes les voilà sur une chaloupe de fortune, s’éloignant vers une destination inconnue …


Dz Du Coeur

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire