mardi 8 mai 2012

Faire peur à défaut de convaincre


Si les Algériens n’iront pas voter, l’Algérie sera attaquée de l’étranger. Des chasseurs bombardiers et des armes électroniques sont prêts à l’assaut. C’est du moins le scénario catastrophe que nous prédisent Ahmed Ouyahia et Abdelaziz Belkhadem.
D’autres politiques plus au moins proches du premier et du deuxième cercles du pouvoir répètent qu’«un complot» se trame quelque part. Faire peur aux Algériens pour les contraindre à aller voter le 10 mai pour désigner un Parlement a marqué largement la campagne fade qui s’est achevée dimanche. Le Premier ministre s’est distingué par un discours alarmiste tellement recyclé qu’il est devenu ennuyeux. Pour le chef du RND, une forte abstention au scrutin prochain pourrait amener «une ingérence» étrangère. Rien que ça.
En 2007, les législatives avaient été marquées par une large abstention (plus de 65%), mais l’Algérie n’a subi pourtant aucune agression venue au-delà des frontières. Elle garde toujours sa place dans la géographie du monde. A l’époque, ni Ouyahia, ni Belkhadem, ni Bouguerra, ni aucun autre relais amplificateur du pouvoir n’ont crié au scandale. A l’époque, il était «fortement» recommandé de décrédibiliser le Parlement pour que l’autorité présidentielle soit dominante, envahissante. Réduire l’APN à presque rien était un autre moyen d’imposer la loi «suprême» de l’Exécutif. Aujourd’hui, on ne se rend même pas compte que la représentation nationale a été neutralisée en raison justement de ce «jeu» malsain. La dernière législature n’a rien fait pour demander des comptes aux gouvernements et au chef de l’Etat, rien fait pour enquêter sur les grosses affaires de corruption, sur les détournements de fonds, sur la dépendance de la justice, sur la faillite de l’école, sur l’absence de perspectives économiques… L’APN votait les lois et c’est tout. Elle a profondément déçu les Algériens. Abdelaziz Ziari, président de l’Assemblée sortante, s’est illustré par des déclarations agressives et sans teneur intellectuelle. Alors comment demander aux Algériens de renouveler une expérience qui a échoué ?
La future APN sera-t-elle réellement représentative ? Va-t-elle initier des lois et les faire adopter comme elle l’entend ? La majorité qui va sortir des urnes aura-t-elle la liberté de désigner son gouvernement, ses ministres ? Il suffit de 30% de suffrages exprimés pour que le Parlement soit élu. Alors, pourquoi toutes ces idées noires qu’Ahmed Ouyahia propage au point de susciter des inquiétudes au sein de la population et auprès des partenaires étrangers de l’Algérie ? Le Premier ministre et le système qu’il représente n’ont pas aimé le Printemps arabe. Voir les dictatures chuter comme des feuilles mortes un soir d’automne ne peut pas leur plaire. Réduire les populations arabes, qui se sont soulevées contre les régimes oppresseurs, à des poupées manipulées est répugnant. Aussi, a-t-on décidé quelque part de mener une campagne contre… le changement politique. Ceci est déjà une curiosité à étudier en sciences politiques, surtout que le discours dominant de la campagne électorale des autres acteurs de la scène nationale fut la nécessité d’introduire des changements pour au moins donner un peu de consistance à un processus dit de «réformes politiques».
A ce niveau-là, une question devient inévitable : peut-on logiquement convaincre les Algériens d’aller aux urnes en leur promettant les terres givrées du statu quo ? Si la théorie de la peur, comme celle du chaos, recrute des adeptes dans les régimes les plus fermés, en Algérie, elle ne fait plus recette. Durant ces vingt dernières années, les Algériens auront goûté à tout. Ils sont devenus insensibles aux discours d’hommes politiques qui ne voient pas que derrière leur dos, on raconte des blagues et on se moque d’eux. Mais, face à des lumières aveuglantes, ils ne se rendent compte de rien. Pour eux, le monde est toujours rose tant que le mensonge prendra les couleurs de l’arc-en-ciel… jusqu’à la prochaine averse.
Fayçal Métaoui

Source : EL WATAN

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