Décriée déjà en Algérie, la nouvelle loi sur les
associations vient d’être remise en cause par les Nations unies.
Le rapporteur spécial de l’ONU sur les libertés de réunion
pacifique et d’association, Maina Kiai, relève un certain nombre de
dispositions contenues dans ce texte, qui n’encourage pas l’émergence d’un
mouvement associatif fort en Algérie. «Les prochaines élections législatives
doivent permettre de répondre aux demandes légitimes de la société civile dans
le domaine de la liberté d’association», affirme l’expert onusien dans un
communiqué rendu public hier à Genève (Suisse). Il exhorte, dans ce sens, les
autorités algériennes à revoir lesdites dispositions pour les mettre «en
adéquation avec les exigences du droit international des droits de l’homme».
Maina Kiai déplore également le recul enregistré par
l’Algérie dans ce domaine. «Alors que le Printemps arabe invite à un
élargissement de la place octroyée à la société civile, il est tout à fait
regrettable que l’Algérie se singularise par un retour en arrière dans le
domaine de la liberté d’association, en limitant plus rigoureusement le
périmètre d’action ou l’accès au financement des associations», insiste-t-il
dans son communiqué. Il ne cache pas non plus ses préoccupations à l’égard de
nombreuses dispositions de cette loi qui, selon lui, impose de nouveaux
contrôles et restrictions quant à la création des associations ainsi que sur
leur accès au financement. Le rapporteur spécial critique d’emblée la
possibilité offerte par ce texte à l’administration «de rejeter des demandes de
création des associations sans recours à la justice».
«La formation de toute association est désormais soumise à
l’accord préalable des autorités, qui peuvent à présent refuser une demande
d’enregistrement sans avoir besoin de recourir à un juge, tel que cela était le
cas auparavant. Cette situation constitue un recul important par rapport à la
loi 90-31 (1990) qui était en vigueur jusque-là», dit-il, en rappelant que
cette nouvelle loi prévoit une peine d’emprisonnement et une lourde amende pour
quiconque opère au nom d’une association non encore enregistrée ou agréée,
suspendue ou dissoute.
Le rédacteur de ce document remet également en cause
l’article fixant les objectifs et les buts des associations qui «ne devront pas
être contraires aux constantes et aux valeurs nationales et que toute ingérence
dans les affaires internes du pays entraînera la suspension ou la dissolution
de l’association concernée». «Ces dispositions sont particulièrement vagues et
sujettes à des interprétations abusives. Elles portent un coup grave à la
jouissance du droit à la liberté d’association», met-il en garde.
Maina Kiai sollicite une invitation officielle d’Alger
Le rapporteur de l’ONU précise également que les
associations constituent un moyen de première importance permettant à la
population d’exprimer ses aspirations. «Elles doivent pouvoir, et en ont même
la responsabilité morale, de s’intéresser à la vie politique intérieure de leur
propre pays», souligne-t-il.
L’autre point critiqué est l’accès des associations au
financement étranger. «Les associations algériennes seront privées de recevoir
des fonds de toutes légations diplomatiques ou organisations non
gouvernementales étrangères, en dehors des relations de coopération dûment établies.
Il est à craindre que de telles dispositions soient utilisées pour entraver le
travail des associations, notamment celles de défense des droits de l’homme»,
soutient-il, précisant que «l’accès au financement ne devrait pas être
strictement restreint».
Ce faisant, Maina Kiai invite le gouvernement et les partis
engagés dans la course à l’APN à œuvrer pour la révision de ce texte. Dans la
foulée, il indique avoir sollicité une invitation officielle pour conduire une
visite en Algérie : «Je compte sur une réponse positive à cette demande. Je me
tiens dès à présent à l’entière disposition des autorités algériennes pour
toute coopération technique dont elles auraient besoin pour s’assurer que la
loi sur les associations et son application soient conformes aux standards du
droit international.»
Madjid Makedhi
Source: EL WATAN
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