De la révolution, aux élections :
La Tunisie a connu ces dernières années de profonds changements
après avoir été la pionnière d’un début de révolution qui a embrasé tout le monde arabe.
Suite à ce bouleversement et la chute du régime de Ben Ali on s’est trouvé devant
un cas unique en son genre dans l’histoire de la Tunisie, où on a assisté à une
ouverture et la naissance des dizaines de nouveaux partis politiques, c’est à
cet instant même où l’argent et le financement de ces partis politiques a pris
tout son importance surtout durant les campagnes électorales.
Les partis politiques
ainsi que les candidats indépendants ont besoin d’argent pour financer leur
campagne électorale, et afin que cette transition démocratique soit réussie, il
est plus qu’impératif de garantir un accès le plus équitable possible aux
ressources de financement afin d’assurer un multipartisme réel, de même
que d’assurer une certaine égalité des chances entres les différents acteurs de
la scène politique pour qu’à la fin les électeurs choisissent entre une large
panoplie de candidats sur la base de programmes et d’idées et non sur la base
de celui qui a le plus de financement ou celui qui a le plus d’hommes
d’affaires d’arrière lui, ce qui nous éviterait de mener cette transition de
l’ancienne dictature à une nouvelle dictature des oligarques.
En effet, pour assurer une certaine équité au financement et par
conséquent assurer la réussite de cette transition démocratique il est
primordial d’opter pour un système etune réglementation qui
assurent le difficile équilibre d’avoir assez de financement pour que les
partis politiques arrivent à se faire connaitre et transmettre leur programme
aux électeurs, tout en empêchant que les partis politiques « riches »
ne soient trop avantagés en limitant et en encadrant leurs dépenses, ce qui
permettra d’éloigner un temps soit peu l’argent et le monde des affaires de la
politique, chose qui reste très difficile à faire.
La réglementation des élections de l’ANC de 2011 :
C’est dans cette optique de limitation des dépenses et de donner
la chance à tous, que la Tunisie a adopté durant les élections d’octobre 2011
un cadre légal ambitieux pour des élections transparentes et
représentatives qui étaient composées des textes suivants :
- Le décret-loi n°27 de l’année 2011, qui a confié à l’Instance Supérieur Indépendante
pour les Elections (ISIE) la tâche
de contrôler et de superviser la campagne électorale.
- Le décret-loi n°35 de l’année 2011, relatif aux élections
des membres de l’ANC,
en mettant en place le système de financement des campagnes électorales tout en
présentant la législation relative à cette dernière.
- Le décret-loi n°91 de l’année 2011, relatif au rôle de la cour des comptes pour le contrôle exercé sur le
financement des campagnes électorales de l’ANC, en clarifiant la nature et
l’étendue de la compétence de cette dernière.
- Décret n°1087 de
l’année 2011, qui a établi un plafond pour les dépenses électorales et a défini
les modalités de l’aide publique aux campagnes électorales pour les élections
de l’ANC.
- L’arrêté de l’ISIE
pour les élections le 3 septembre 2011, qui a fixé les règles et les
procédures relatives aux campagnes électorales et surtout au financement de ces
derniers pour les élections de l’ANC.
Les lacunes de cette réglementation :
Malgré les apparences
d’une réglementation assez complète, il est clair qu’elle souffre
d’un bon nombre d’insuffisances, et le rapport de la cour des comptes de
juillet 2012 relève ce qui suit :
- Un retard
dans la publication des textes de loi, où par exemple décret 91 de l’année 2011
qui précisait les modalités du contrôle de la cour des comptes sur le
financement des élections de l’ANC n’a était publié que le 29 septembre ce qui
veut dire 2 jours avant le début de la compagne électorale.
- Le cadre réglementaire a
omis la définition des concepts de base, ce qui nous a menés à de
diverses interprétations et des confusions.
- L’ouverture et la
gestion d’un seul compte bancaire pour le parti, avec la divergence des listes
et des zones a rendu la gestion presque impossible.
- Le système
d’aide publique aux différentes listes électorales a connu des anomalies que ça
soit sur les montants des aides, ou encore la façon de les attribuer par
tranches, ce qui a engendré une inflation du nombre des listes pour des fins
pécuniaires et rien d’autre.
- L’obligation
d’adoption d’un cadre comptable clair et net sur le financement des partis
politiques ainsi que des campagnes électorales, qui nous éviterait que
les différentes listes ne profitent de ces lacunes surtout au niveau des
dépenses en nature.
- Il y a des excédents
dans l’aide publique qui n’ont pas été récupérés par l’Etat.
- Des sanctions non
adaptées aux infractions commises, par exemple un parti politique qui
s’abstient de publier les comptes de ses dépenses aura comme sanction
financière de seulement 5.000 DT.
Le point de vu d’ I WATCH :
Il est nécessaire de
noter que ce cadre légal conçu pour les élections de l’ANC présentait un
dispositif assez complet et qu’il n’est plus en vigueur, par conséquent c’est à
l’ANC d’adopter un nouveau cadre légal permettant de clarifier et de mettre en
œuvre les règles adéquates aux financements des prochaines campagnes
électorales.
C’est dans un esprit de continuité et d’amélioration, qu’I WATCH recommande aux législateurs de prendre
en référence ce cadre légal pour les nombreux points positifs qu’il
comportait, afin qu’il soit amélioré en rattrapant les lacunes et en
prenant en considération les bonnes pratiques internationales en usage dans ce
domaine et d’assurer la conformité de la législation aux normes
internationales.
De même, I Watch a pris ses responsabilités en main et a déjà
commencé les préparatifs avec sa toute jeune équipe afin d’observer au mieux le financement des prochaines
compagnes électorales.
En effet, le 22 mars
2013, I Watch a officiellement annoncé lors d’une conférence de presse la
publication du premier manuel sur le financement des campagnes électorales en
Tunisie ainsi que la présentation de sa vision et de ses objectifs pour des
élections transparentes et libres.
Par ailleurs, il est a noté qu’un projet d’envergure a été mis
en œuvre avec l’organisation IFES,
la Fondation internationale pour les systèmes électoraux, afin de former des
jeunes observateurs en dépenses et financements électoraux sur les techniques
et les méthodes internationales adoptées pour ce genre d’observation et mettre
en place tout un système de contrôle pour le financement des prochaines
campagnes électorales.